L’estimation des incertitudes est plus qu’un seul jeu de l’esprit et devient dans les projets industriels un exercice étroitement lié à la prise de risque. Dans le domaine des sciences de la terre, l’ampleur des incertitudes liées à l’objet naturel et le montant des investissements financiers rendent cet exercice particulièrement difficile et délicat. Et si aujourd’hui il n’est plus possible de caractériser un réservoir sous-terrain par un seul et unique model déterministe, les méthodes de détermination des incertitudes restent souvent très complexes, lourdes, lentes et frustrantes.
Jef Caers dans son ouvrage « Modeling uncertainty in the Earth Sciences ; 2011 Wiley_Blackwell » nous propose quelques réflexions philosophiques générales sur le sujet que l’on pourrait schématiser ainsi:
- L’incertitude sur les propriétés de notre objet naturel est due à ce que nous ne savons pas de lui.
- Quantifier les incertitudes revient donc à chercher à savoir ce que l’on ne sait pas.
- Mais ce que nous ne savons pas n’est en rien le contraire de ce que nous savons, même si toute recherche d’incertitude va bien se baser sur ce que nous savons.
- Et si l’on arrive à savoir ce que l’on ne sait pas… alors il n’y a plus d’incertitude.
La principale conclusion de ce petit exercice est qu’il n’y a pas de « vraie » incertitude. Il n’y a que des modèles d’incertitudes, basés sur des hypothèses et calibrés sur des données. La qualité de l’estimation des incertitudes se juge donc sur la pertinence des hypothèses et leur solidité face à nos connaissances, c’est-à-dire à la cohérence du modèle d’incertitudes.
Signalons deux entraves fréquentes à la qualité de ces modèles : une trop grande complexité qui engendre plus d’incertitude sur la méthode que sur l’objet étudié (usines à gaz géostatistiques…) ; une mauvaise maitrise des inputs à introduire dans les modèles, comme par exemple une fourchette de porosité moyenne de réservoir trop souvent tirée du chapeau-quand elle n’est pas issue de celle des mesures carottes !- et qui ruine le plus beau des modèles. Bon sens, simplicité et communication inter-discipline sont alors bien nécessaire.